je suis malade
mentalement je veux dire
ma propre misere me rend malade
il y a tous ces gens autour de moi, qui me disent que je suis geniale, qui croient que je suis geniale
et il y a tout ceux qui se rendent compte que quelque chose cloche chez moi, ca leur fait peur un peu, ca les rend malheureux surtout
et moi ca me detruit
parce que moi je sais a quel point je suis geniale et a quel point je suis miserable
je sais qu'il ne tient qu'a moi de choisir mon camp, mais toujours je monte et descend
le roller coaster me donne mal au coeur, je voudrais arreter le train ou sauter en marche
je hurle mon horreur et le gens en bas croient que je rit aux eclats, ils prennent mes grimaces pour des signes de joie

le printemps pointe enfin son nez ici, il ne fait plus froid
dehors, allongee sur la balancelle en bois, je regarde le bleu du ciel et la cime des arbres encore nus, j'ecoute le carillon qui s'agite doucement dans le vent, ma robe noire absorbe le soleil et rechauffe mon corps, je pourrais etre bien, je devrais etre bien, mais dans ma tete, les images defilent, les pensees s'entrechoquent, je revoie tous mes echecs, toutes ses choses que j'ai ratees, mes actes manques, j'ai la nostalgie du passe, de ces bons moments qui ne reviendront plus et puis surtout de tous ces autres que je n'ai pas connus
c'est terriblement douloureux, ca prend toute la place, j'ai comme quelque chose qui pousse dans ma poitrine et veux me faire eclater, et pour la premiere fois je comprend la maladie du nenuphar de L' Ecume des jours
j'ai envie d'en parler a quelqu'un, laisser filer un peu de vapeur pour ne pas exploser mais qui ? ils ne comprennent pas, ne peuvent pas m'aider, et puis ca leur fait de la peine, non vraiment, je ne peux pas leur imposer ca
ma petite folie
alors je reste seule avec mon coeur trop gros, ma culpabilite, mon incapacite au bonheur
je suis perdue, et les mots memes ne veulent plus de moi, ils ne veulent plus rien dire, ils se contentent de se laisser aligner les uns a pres les autres, bien en ordre, sujet, verbe complement, virgule, mais il ne me parlent plus, c'est comme s'ils appartenaient a quelqu'un d'autres, comme s'ils ne voulaient pas s'impliquer, trop risque
je tourne en rond, je suis seule avec moi-meme et terriblement embarrassee
je pourrais pleurer mais les larmes aussi m'ont abandonnee
je crois que je n'ai jamais ete aussi seule de toute ma vie
j'ecris ca et je me dis : ca ressemble a un test, l'ultime epreuve d'une aventure mystique, le miroir de verite, quelque chose comme ca, "pourras tu supporter ton propre reflet ?"
pas la peine d'essayer, je sais deja que j'ai perdu
qu'est ce qui arrive au hero quand il perd ? je ne sais pas, il meurt ou devient fou probablement, ou alors il se reveille en sueur et ne se souvient de rien, a peine quelques bribes, comme un drole de reve aussitot eclipse pas la realite, la vrai
rien de tout ca ne m'arrive cependant, j'ai beau me pincer fort je ne me reveille pas, je ne meurs pas non plus, oh non, je n'ai pas cette chance, je continue et je ne suis meme pas completement folle, j'ai encore assez de conscience pour me rendre compte de ma decheance
ah oui je me souviens, le type, il se fait un trou dans la tete avec une perceuse, un trou bien propre au niveau de la tempe

pourquoi j'ecris ca ? franchement a quoi bon ? parce que j'espere toujours que quelque chose, quelqu'un va magiquement me tirer de mon marasme et m'emporter loin d'ici, m'emmener loin du pays de la desesperation
mais personne jamais ne vient et je suis seule toujours
je vieillis mais le temps ne passe pas
les choses, les gens autour changent mais pas moi